L’art de bien négocier

Essay «Le Matin» 2.8.2009

STRATÉGIE. UBS, conventions de double imposition: depuis quelques mois, la Suisse ne cesse de négocier avec d’autres Etats. Les conseils de Christoph Blocher

Point de départ: quelles sont les erreurs les plus courantes lorsqu’on négocie? Pourquoi le résultat des négociations semble – la plupart du temps après coup – mauvais, voire catastrophique? Parce que les principes essentiels sont ignorés.

Préparatifs
Bien des gens croient que, pour obtenir un résultat, l’essentiel est de maîtriser la technique de négociation. Malgré le respect dû aux techniques de tractation et à la psychologie des négociations, elles ne sont guère décisives. Ce qui compte avant tout pour réussir à conclure de manière satisfaisante, ce sont les préparatifs. En effet, le succès est fonction du sérieux de la préparation.

Déterminer ce que je veux
Un bon résultat de négociation a une particularité: il doit correspondre à vos objectifs personnels, s’accorder à votre désir individuel. Voilà pourquoi il est primordial de se soucier en premier lieu de l’objectif. Qu’est-ce que je veux? Quelles sont les possibilités d’y arriver? Cela semble évident, or c’est souvent précisément ce qui est négligé. Si on analyse empiriquement les revers subis lors de négociations au plan politique ou économique, on s’aperçoit que ni l’objectif ni les variantes pour y arriver n’ont été déterminés. On négocie au petit bonheur la chance sans être au clair sur sa propre stratégie. On arrive certes à un accord, on parle de percée et de consensus, mais plus tard, on remarque malheureusement que l’on est tombé d’accord sur quelque chose qu’on ne voulait pas. C’est ainsi que plus de la moitié de toutes les fusions et acquisitions – annoncées en règle générale à grands cris – conclues dans le monde entier se sont révélé être des flops à long terme. Des intentions nébuleuses et des objectifs confus comme par exemple, «la taille de la nouvelle entreprise» et des détails spectaculaires ont servi de ligne de conduite. Mais voilà, l’objectif déterminant, soit le renforcement de sa propre entreprise et l’augmentation du rendement, n’a pas été atteint. Car en définitive, il n’y a que cela qui compte.

Etudier les variantes
En négociation, je suis fort si je peux dire non. Celui qui n’a pas prévu de scénario de retrait se met lui-même sous pression. Le négociateur de l’autre côté de la table deviendra fort car il sait une chose: mon vis-à-vis a un besoin vital de conclure. Par contre, celui qui se préoccupe à l’avance des variantes existantes a une certitude: il y a toujours des alternatives. «Tous les chemins mènent à Rome» est un adage qui s’applique aussi au quotidien. Souvent – surtout en politique – on entend dire que «c’est la seule solution possible». Généralement cette affirmation est utilisée pour persuader les citoyens – c’est presque une forme de chantage. Pourtant, pareille affirmation est toujours mensongère. Il n’existe jamais une seule et unique voie! Celui qui ne détecte qu’une solution est soit dépourvu d’imagination, soit débutant Que veut donc mon interlocuteur? Les préparatifs comprennent aussi l’étude de l’adversaire. Il est essentiel de déterminer ce qu’il veut. Un simple exemple: je désire vendre ma voiture à bon prix. Il y a une différence si mon interlocuteur veut absolument une voiture ou s’il se contente d’en examiner une parmi tant d’autres. Bien entendu, souvent l’acheteur ne dévoile pas son intention. Il s’agit donc de la découvrir. Lors de négociations de haut vol – songez à des achats d’entreprise ou des traités internationaux – l’analyse des intérêts du vis-à-vis et l’examen des avantages qu’il peut espérer retirer d’un accord, ont une grande importance. Cela permet d’élaborer précisément des mandats pour les négociateurs et de développer des stratégies raffinées. Malheureusement, chaque jour on constate que cela n’est que fort rarement fait avec soin, même dans les plus hautes sphères. Conséquence: un échec avoué ou dissimulé!

Qui négocie?
Au quotidien – pensez aux achats que vous effectuez chaque jour – c’est toujours la personne directement intéressée qui négocie. Pour des affaires plus importantes, l’acquisition d’une maison et, plus sûrement encore, lors de l’achat d’une entreprise ou pour toutes les affaires d’Etat, ce n’est jamais la personne prenant la décision finale quant au résultat de la tractation qui devrait négocier. Bien négocier est fatiguant, épuisant. Face à des situations semblant sans issue, des intermédiaires peuvent toujours faire valoir qu’ils ne sont pas habilités à conclure, qu’ils doivent retourner «dans les étages, là où les décisions sont prises». Cela donne du temps pour réfléchir. Tout cela est hors de portée des décideurs s’ils sont eux mêmes présents aux pourparlers. Voilà pourquoi il faut s’en tenir au principe intangible qui veut que le chef de l’entreprise ne négocie jamais en personne. Le chef dit ce qu’il veut, approuve des variantes et dirige les négociateurs – mais pas à la table des négociations. Il suffit que le chef se montre au dernier moment pour conclure, signer et participer à la cérémonie de clôture. Ainsi, c’est une absurdité que des conseillers fédéraux se lancent dans des négociations. Cela ne peut que mal finir et nuire à la Suisse. Pour négocier, on dispose de secrétaires d’Etat, d’ambassadeurs, de ministres et de chefs d’offices. On tire les ficelles en coulisse et on soutient ainsi efficacement les négociateurs.

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