Oui, nous ferons notre autocritique, mais pas sous le regard des autres
Interview, Le Matin Dimanche, 18 décembre 2011, Stéphanie Germanier
Monsieur Blocher, vous avez l’air déprimé sur les photos que l’on voit partout dans la presse depuis mercredi. C’est le cas ?
Forcément, sur les centaines de photos qui ont été prises, on n’utilise que celles où je ne souris pas. Mais peut-être avez-vous d’autres questions plus substantielles ?
Personne n’a compris votre stratégie le 14 décembre et on se demande même s’il y en avait une…
Notre stratégie était claire, nous voulions obtenir le deuxième siège auquel nous avons droit, ce n’était pas un siège du PLR. Or les autres partis, dont ce dernier, qui disaient soutenir ce projet ont brisé la concordance. A ce moment, nous étions libres d’agir. Les autres partis n’ont pas voulu des candidats de l’UDC, que pourtant tout le monde trouvait acceptables, donc on n’a pas voulu de nous.
Franchement, si vous aviez vraiment voulu ce deuxième siège, vous l’auriez eu. Il suffisait de répondre à l’ultimatum du PS qui vous demandait d’attaquer le siège PLR pour avoir son soutien…
Si nous avions réussi avec ce pacte, nous aurions gagné grâce à une injustice, sans respecter la concordance, ce que nous ne souhaitions pas.
Vous ne vous remettez donc pas en question, vous et la direction du parti, malgré vos erreurs de jugement mercredi et dans l’affaire Zuppiger ?
Peut-être on a fait quelques erreurs et il faudra en discuter dans le groupe mardi prochain. Nous ferons notre autocritique, pas sous le regard des journalistes. Et l’assemblée du 28 janvier discutera la nouvelle situation pour l’UDC.
Est-ce que la direction du parti ne devrait pas démissionner après cet échec ?
Si les délégués le souhaite, ils ont la possibilité de l’exiger! Nos membres décideront au moi de mai, date à laquelle nous reconduirons ou non les instances du parti. Peut-être faudra-t-il revoir la forme de cette présidence avec six vice-présidents. Quant à Toni Brunner: Il est le meilleur président de parti, même si certains journalistes le méprisent car il n’est pas universitaire. Mais je peux vous assurer qu’il a une intelligence, une capacité communicative, un instinct et un dévouement politiques hors du commun.
Caspar Baader démissionne de son poste de chef de groupe à la fin du mois, seriez-vous tenté de reprendre son poste ?
Non pas du tout, je siège au Conseil national et j’espère continuer à le faire pour ces quatre prochaines années, si la santé me le permets.
Vous êtes en forme en ce moment ?
C’est bien là le souci de mes adversaires. Oui, je me porte très bien.
Qu’est-ce qui va se passer à présent pour l’UDC ? Vous partez dans l’opposition ?
Ce sera à notre base de définir cela. Le mot opposition lui fait peur pour l’instant, car il implique un changement de politique, l’abandon d’un système de concordance pour faire place à un système de coalition. Je pense que cela prendra du temps. Mais pour l’heure il faudra en tout cas renforcer notre action face à ce gouvernement et ce parlement dans lesquels la gauche prétend endosser les responsabilités. Nous serons là pour contrôler et critiquer le travail du gouvernement!
C’est-à-dire…
Les problèmes sont à notre porte. On ne va plus pouvoir faire croire qu’il n’y a pas des problèmes avec les assurances sociales, avec l’asile, avec la libre-circulation – et avec – l’Union européenne.
Ueli Maurer devrait-il quitter le gouvernement ?
Personnellement je ne le crois pas, mais le parti décidera. Ueli Maurer a fait un très bon travail au sein du Département de la défense, il a corrigé la mauvaise direction qui avait été prise ces dernières années. Ce ne serait pas très conséquent qu’il abandonne cela, même si la concordance est brisée et qu’on nous refuse nos droits. Si l’UDC est si détestée, c’est parce qu’elle a raison et perce qu’elle contrôle les autres partis.
Elle dit avoir raison, mais pour la première fois elle perd. Comment allez-vous corriger cette nouvelle image ?
Il n’y pas d’image à corriger, mais plutôt nos erreurs. Nous en avons fait et nous avons perdu, mais cela était inévitable après avoir gagné pendant vingt ans. Nous allons discuter, débattre, dire ce que nous avons tous sur le cœur et je m’en réjouis. Il n’y a rien de plus ennuyeux et néfaste que l’harmonie, dans un parti comme dans un couple. Le débat et la confrontation sont indispensables.
Et débat il y a aura, puisqu’une frange de votre parti commence à se plaindre du triple B (Blocher, Brunner, Baader). Vous commencez à lasser vos troupes ?
A l’UDC, nous sommes libres de nos opinions. Tant mieux si une nouvelle génération pense pouvoir faire mieux. Nous sommes ouverts à toute bonne proposition et solution. J’aime débattre avec les gens, pour autant qu’ils aient des arguments, et qui ils fassent mieux.
N’est-ce pas finalement parce que vous financez votre parti, qu’on n’ose pas vous remettre en question vous et votre omnipotence?
Je n’ai jamais donné un seul franc au parti directement. Mais il est vrai que j’aide à financier des campagnes de votation. Pourtant, ma force ne vient pas de mon argent, mais de mes convictions et d’arguments solides.
Les libéraux radicaux estiment qu’en attaquant le siège de Johann Schneider-Ammann, vous avez brisé le lien de confiance qui unissait les deux partis. Que va-t-il se passer à présent ?
Vous savez, notre histoire d’amour avec le PLR était déjà terminée bien avant mercredi. À Saint Gall, les membres du PLR ont soutenu contre nous Paul Rechsteiner, un communiste. Ils ont fait cause commune avec le socialiste Hans Stöckli à Berne. Dans certains cantons, le PLR est devenu une secte et ne sait plus qui il représente. Nous aurions pu gagner ensemble, mais les libéraux-radicaux ont choisi une autre voie. Le PLR est maintenant partie intégrante du gouvernement de centre-gauche, pas nous.