Je comprends qu’il vive une situation de tensions
Interview avec Bernard Wüthrich, Le Temps, 24. Juni 2010 à la décision d’Yvan Perrin d’abandonner la vice-présidence de l’UDC
Comment avez-vous réagi à la décision d’Yvan Perrin d’abandonner la vice-présidence de l’UDC?
Nous savions qu’il ne resterait probablement pas très longtemps à cette fonction, très exigeante. Il semble qu’il veuille l’abandonner après les élections fédérales de 2011. Je comprends qu’il vive une situation de tensions. Comme vice-président, il doit coordonner le travail de l’UDC dans la Suisse Romande. C’est surtout la situation de la section genevoise qui n’est pas simple. Et il fait partie de ceux qui peinent à comprendre notre position sur l’accord avec les USA. C’est sans doute difficile de porter une position que nos adversaires et les médias qualifient de slalom. Mais je n’ai rien entendu directement de lui et il a dit qu’il était prêt à rester jusqu’aux élections de 2011.
Le malaise est pourtant réel après vos atermoiements sur l’accord USA. Yvan Perrin n’est pas seul de son avis.
Oskar Freysinger dit aussi qu’il n’a pas compris.. C’est parce qu’il ne veut pas comprendre. Les décisions que nous avons prises sont extrêmement importantes et exigeantes. Nous avons combattu cet accord dès le départ et y sommes encore opposés aujourd’hui. Il est mauvais et il fallait le rejeter, parce qu’il s’agit d’un traité qui est au contraire au droit suisse. Le problème est venu du Parti socialiste, qui a dit qu’il était prêt à soutenir cet accord si les partis du centre lui donnaient un supplément sous la forme d’un nouvel impôt sur les entreprises. La situation était claire. ce mauvais accord serait accepté par le PS, le PDC et le PLR avec, en plus, cet impôt. C’est pour cette raison que nous sommes entrés en discussion avec le PDC et le PLR. Nous leur avons dit qu’ils devaient choisir entre le soutien du PS, avec un impôt sur les entreprises, et le soutien de l’UDC, sans cet impôt mais avec l’exigence de limiter les compétences du Conseil fédéral pour les traités de ce genre. Ensuite nous avons mis cette proposition en discussion au sein du groupe et en avons débattu pendant deux heures. En fin de compte, le groupe a accepté cette stratégie complexe par 35 voix contre 17.
Tout de même: l’UDC a d’abord rejeté l’accord et soutenu le référendum, puis accepté l’accord mais avec la clause référendaire et enfin sans clause référendaire. N’est-ce pas faire du slalom?
Non. Ceux qui disent que nous avons fait du slalom font une analyse superficielle de la situation. Nous avons uniquement eu la possibilité de choisir entre le mauvais accord avec un impôt sur les entreprises ou un mauvais accord sans d’autres désavantages ! Nous nous sommes engagés donc pour la deuxième option. Nous devions contribuer à faire passer une solution que nous ne voulions pas, mais qui était moins mauvaise que celle qu’on risquait de nous imposer.
Ceux qui se sont opposés à l’accord ont estimé que c’était un revirement….
Oskar Freysinger est celui qui était le plus remonté. Il n’a pas contesté la stratégie. Il a dit qu’on ne pouvait pas expliquer une telle position et que cela nous poserait un problème d’image. Je lui ai répondu que celui qui pense seulement à son image ne peut pas défendre correctement les intérêts du pays.
Oskar Freysinger menace de créer, au sein du groupe parlementaire, un sous-groupe d’élus qui resteraient fermes sur leurs positions. Qu’en pensez-vous?
Si c’est pour mieux s’engager au sein du parti pour notre pays, alors ce sera très bien. J’espère qu’il apportera plein de nouvelles et bonnes idées.
Il se dégage tout de même le sentiment que l’UDC a changé d’avis alors qu’elle n’a pas pour habitude de le faire.
Nous n’avons pas changé d’avis, mais on a du revoir la stratégie. Je vous cite un autre exemple: je me suis battu pendant quinze ans pour la centrale nucléaire de Kaiseraugst. Puis j’ai été le premier à dire qu’il fallait y renoncer, car cela risquait de nous conduire vers une guerre civile. Il faut savoir parfois se résigner. S’agissant de l’accord avec les USA, je continue d’affirmer que nous suivons une ligne droite. Notre but était clair: rejeter cet accord par le Parlement. Mais un rocher est tombé sur la voie et le train n’a plus pu avancer. Il a donc fallu contourner l’obstacle. C’est ce que nous avons fait. Et tant pis si quelques personnes ne le comprennent pas. Mais le parti a compris cette stratégie, cela montre sa maturité.
C’est apparemment en Suisse romande que votre position sur UBS n’est pas comprise.
Surtout les journalistes et les adversaires de l’UDC. En Suisse alémanique, il y a eu des questions au début, nous avons répondu par écrit en expliquant la situation et cela s’est calmé. L’impression d’une incompréhension en Suisse romande vient de la position de quelques-uns, qui sont restés fermement opposés à l’accord et, qui ne voulaient pas l’expliquer. Mais je note que la majorité des Romands membres du groupe parlementaire n’étaient pas opposés à cet accord.
On a l’impression que la position disons évolutive de l’UDC sur l’accord UBS a été prise par un petit groupe de personnes réunies autour de vous. Oskar Freysinger parle d’ « instances non élues démocratiquement et proches de la Bahnhofstrasse ».
Tout cela est faux et méchant. Je rappelle que j’ai, au sein de la présidence, la charge de la stratégie. C’est mon devoir. La stratégie est discutée au sein de la présidence, qui fait ensuite des propositions à la direction du parti ou au groupe parlementaire, selon les cas. Tout est donc parfaitement démocratique et mes positions sur les grandes banques montrent que je ne suis pas proche de la Bahnhofstrasse. Oskar Freysinger adopte là le langage de nos adversaires politiques.
Les Romands participent-ils à cette prise de décision?
Yvan Perrin est membre de la direction. Et plusieurs Romands sont membres de la direction di groupe parlementaire. Mais je vais vous confier quelque chose. Lorsque nous avons dû remplacer la Saint-Galloise Jasmin Hutter, la représentante des jeunes UDC, au poste de vice-présidente qu’elle occupait avant sa maternité, nous voulions une jeune femme romande. Malheureusement nous n’en avons pas trouvé. Les sections romandes ne nous ont proposé aucune candidate. C’est donc une Bernoise qui a été élue. Les partis romands sont jeunes et manquent encore de personnel.
Quelle que soit la date à laquelle Yvan Perrin quittera la vice-présidence, la cassure s’est produite. Il n’est plus très motivé pour porter les décisions de la direction du parti en Suisse romande. N’auriez-vous pas intérêt à le remplacer le plus rapidement possible?
Toni Brunner va parler avec lui. Je pense qu’il peut très bien défendre les positions du parti même s’il n’est pas d’accord à 100% avec quelques décisions. Mais c’est à lui de trancher. S’il faut le remplacer, alors je pense qu’il faudra aller voir parmi les membres du parlement fédéral, car j’estime que le vice-président romand doit y siéger.
Serait-ce l’occasion d’impliquer davantage Oskar Freysinger?
Pourquoi pas, mais je ne suis pas sûr qu’il soit prêt à endosser ce genre de responsabilité, il est peut-être trop individualiste. Et il doit être aussi accepté par les autres conseillers nationaux romands. Mais l’élection est de compétence des délégués suisse de l’UDC.
Comment envisagez-vous les élections fédérales de 2011 en Suisse romande si votre vice-président est démotivé?
Il appartient aux partis cantonaux de se mobiliser. Nous n’avons aucune divergence de ligne politique, ni avec Yvan Perrin, ni avec Oskar Freysinger, ni avec les autres. Nous avons juste eu une divergence stratégique à propos de ce traité. L’UDC se battra et mènera une campagne autour des thèmes importants pour la Suisse, comme le refus d’adhérer à l’UE et la migration. Avec le Conseil fédéral que nous avons aujourd’hui, ce sont des thèmes capitaux.
Que pensez-vous de l’éventuelle opération d’exfiltration des otages suisses retenus en Libye?
C’est une histoire incroyable. On découvre qu’une unité spéciale que nous n’avons jamais voulue, le DRA 10, était prête à mener des opérations commando pour aller libérer ces deux personnes. Et on découvre que trois conseillers fédéraux, Pascal Couchepin, Micheline-Calmy Rey et Samuel Schmid étaient sur le point de lancer une agression contre la Libye qui aurait forcément été interprétée comme une déclaration de guerre et aurait, en guise de représailles, débouché sur des attaques terroristes contre la Suisse.
Vous en oubliez un quatrième: Ueli Maurer.
Non. Cela s’est passé en 2008. A l’époque, l’UDC n’était plus représentée au Conseil fédéral. Le gouvernement et ses membres n’ont pas la compétence de jouer avec la sécurité et la vie de nos soldats ! L’UDC a toujours été contre les engagements de l’armée à l’étranger.
Puisque l’UDC n’était pas au Conseil fédéral en 2008, comment pouvez-vous dire que ce scénario était bien réel?
C’est la Présidente Doris Leuthard, qui l’a annoncé ! Le problème de base est qu’il faut liquider le DRA 10, qui n’a aucune raison d’être. Le simple fait qu’il ait existé en 2008 a poussé certaines personnes à imaginer une intervention aussi insensée. C’est déjà trop.
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