Nous restons la première force politique de Suisse
Interview, Le Temps, 27 octobre 2011, Anne Forunier
Avec le recul de quelques jours, comment vivez-vous ce revers UDC de dimanche dernier?
Une analyse doit être faite, c’est évident. Peut-être nous sommes-nous trop reposer sur nos lauriers. Une mauvais note permet souvent de réveiller les gens et peut aussi être un facteur positif. Nous restons quoi qu’il en soit la première force politique de Suisse et notre recul au niveau du National est avant tout dû à l’apparition de nouveaux partis. Les rangs traditionnels perdent toujours dans pareille situation. On l’a déjà vécu en 1987 avec les écologistes. Cet automne, nous aurions même pu perdre davantage si l’on se souvient que les rangs du Parti bourgeois démocratiques (PBD) sont garnis d’anciens UDC.
Au niveau personnel également, ce fut difficile: vous arrivez troisième aux Etats, loin derrière les deux sortants. Vous faites moins bien qu’Ueli Maurer il y a quatre ans. C’est un dur revers?
Il y a quatre ans l’UDC et PLR sont partis unis dans la bataille. Cela a certainement apporté un soutien supplémentaire à Ueli Maurer. J’ai dû combattre seul. Et puis, cette année, deux sortants se représentaient, ce qui rend l’exercice plus difficile pour les nouveaux venus. Je suis sûr que si nous avions fait liste commune avec le PLR, le camp bourgeois aurait gagné le week-end dernier. Nous leur tendons la main pour le deuxième tour mais cela ne semble pas les convaincre.
Au National vous êtes devancé par Natalie Rickli, 35 ans. Beaucoup disent que c’est le déclin de l’étoile..
Les étoiles commencent à décliner à 71 ans et c’est très bien ainsi. Ce serait plus inquiétant si elles commençaient à briller à cet âge (rires). Cette victoire de Natalie Rickli est une grande joie pour moi. Pourquoi êtes-vous si surprise de cette réussite ? Elle a fait un travail remarquable à Berne, notamment en s’engageant contre Billag. Et puis de mon côté, je n’ai pas mené de campagne pour le National. J’étais moins visible à ce niveau.
Pourquoi alors ne pas laisser plus de place à la jeunesse et la faire entrer en jeu pour ce deuxième tour?
L’aventure serait trop périlleuse pour une autre personne. Si je tombe, cela n’a pas un impact essentiel. Si c’est une jeune qui vit un tel échec c’est beaucoup plus délicat pour la suite. De plus, Natalie Rickli, une fois candidate déclarée n’aurait pas été épargnée par les critiques. On serait loin des louanges actuelles. Les autres partis ne veulent tout simplement pas que l’UDC dispose d’un représentant à la Chambre des Cantons.
N’était-ce pas une erreur tactique de se focaliser sur la lutte pour les Etats quitte à devoir pour ce faire prendre un ton plus car «étatique ». On a entendu des critiques à ce sujet, même à l’interne..
C’est un processus sur le long terme. Nous voulons être mieux représentés aux Etats pour y réfléchir sur les grands défis qui attendent la Suisse. Nous n’avons jamais dit que nous voulions le conquérir avec une tempête. Nous savions déjà que ce serait difficile dans plusieurs cantons comme Bâle-Campagne. Mais nous sommes heureux d’être au deuxième tour à Zurich ou Saint-Gall. Eugen David a été contraint de se retirer sous l’effet Toni Brunner. Si celui-ci entre aux Etats, notre campagne sera réussie.
Pour revenir à Zurich, vous vous êtes fait discret durant la campagne. Comptez-vous maintenant changer de tactique?
Il n’y a pas eu de véritable bataille. Peut-être étions-nous trop nombreux en lice. J’aimerais pouvoir amener des sujets essentiels qui portent sur le long terme. Zurich doit se préparer à endurer elle aussi la crise européenne. Les dangers menacent et nous devons nous prémunir de toute envie d’adhésion à l’Union européenne. Micheline Calmy-Rey a parlé d’ « intégration bilatérale » Elle veut une approche d’ensemble et coordonnée sur la question du lien institutionnel. En fait, c’est bien là une façon de dire que l’on veut adhérer. Dans le secteur financier, nous ne voulons plus de grandes banques et nous devons davantage nous défendre contre les pressions étrangères sur le secret bancaire. Voilà des points essentiels.
L’autre prochaine grande échéance est celle du 14 décembre pour l’élection du Conseil fédéral. Les favoris UDC comme Jean-François Rime ou Caspar Baader n’ont pas brillé dans leur canton respectif. Cela confirme un problème de relève?
Premièrement, nous avons suffisamment de jeunes dans nos rangs. Neufs de nos représentants à Berne ont moins de 40 ans. Pour le Conseil fédéral également, nous ne manquons pas de gens de qualité. Il faut regarder du côté des gouvernements cantonaux. Même s’il se montre réticent à une candidature, je verrais bien l’ancien conseiller d’Etat thurgovien Roland Eberle ou le ministre zougois Heinz Tännler. Du côté romand, nous comptons toujours sur Jean-François Rime ou Guy Parmerlin. Aujourd’hui, tous les partis veulent nous accorder ces deux sièges car ils ont peur de notre réaction si nous ne les obtenons pas.