Allocution pour le Nouvel An 2002
1er janvier 2002
Chers Suissesses et Suisses,
Nous nous trouvons une fois de plus au seuil d’une nouvelle année et passons allègrement de la première année du troisième millénaire à la deuxième. De nombreuses personnes vont conserver de l’an 2001 le souvenir d’une année jalonnée de malheurs. Des images défilent devant nos yeux: l’effondrement du World Trade Center à New York auquel des terroristes se sont attaqués ou encore la débâcle de notre compagnie d’aviation prestigieuse Swissair, qui est devenue d’une heure à l’autre insolvable parce qu’elle avait accumulé une immense montagne de dettes, sans le communiquer au public et sans que personne ne s’en soit aperçu. Sans compter le tunnel du Gothard, notre axe nord-sud si important, qu’il a fallu fermer brusquement parce qu’un chauffeur sans vrai permis de conduire et probablement ivre de surcroît est entré en collision avec un autre camion au milieu du tunnel. A moins que vous songiez aux images de guerre qui nous parviennent de Palestine, d’Israël et de l’Afghanistan. Les gens conservent de ces évènements un souvenir ineffaçable.
Mais regardons la situation avec objectivité : était-ce réellement une année aussi terrible ? Globalement, on peut certainement affirmer que nous nous sommes bien tirés d’affaire. Il y a certes eu des évènements isolés lourds de conséquences. Mais il nous faut aussi en tirer un enseignement. C’est la raison pour laquelle nous avons été si nombreux à être choqués d’assister à ces drames qui découlent d’une attitude présomptueuse devant la vie. On a oublié que tout a des limites!
Les immenses tours à New York, le “World Trade Center”, laissent à entendre qu’il n’existe qu’un seul centre économique au monde et qu’il se trouve de surcroît dans une seule ville, alors qu’en réalité, on déploie des activités économiques dans le monde entier et les gens en vivent partout.
Les USA, qui semblaient invulnérables et où l’on ne pouvait imaginer qu’une attaque d’une aussi grande envergure puisse se dérouler dans le pays même, ont a dû se rendre à l’évidence que même la grandeur et la puissance ne peuvent rien contre ceux qui ont juré leur perte.
Il en va de même pour le secteur économique et par exemple la débâcle de Swissair. On y a contracté des milliards de dettes. On a racheté 14 compagnies d’aviation qui se trouvaient au bord de la faillite parce qu’on avait la folie des grandeurs. On nourrissait l’ambition de devenir la quatrième compagnie d’aviation d’Europe par ordre d’importance. Mais on a ignoré dans tout cela la nécessité de maîtriser parfaitement cette situation et on a négligé le fait que l’atout de la Suisse se situe totalement ailleurs.
Quant à la guerre en Palestine, elle nous montre très clairement que si l’ONU, qui serait censée mettre de l’ordre dans tout cela, doit se soumettre à la volonté d’une superpuissance, on ne saurait espérer y rétablir la paix.
Tous ces cas nous permettent toutefois de tirer des enseignements pour l’avenir. Pour le pays traditionnellement petit qu’est la Suisse, qui s’est jusqu’ici concentrée sur ses atouts, ces enseignements sont les suivants: la volonté de rechercher la spécificité et non pas la grandeur, mais la détermination de se concentrer sur nos atouts de petit pays. Sur le plan politique, la Suisse est dotée d’une neutralité qu’aucun autre pays au monde ne connaît dans cette étendue. Notre pays a toujours veillé à rester autonome, indépendant et ouvert au monde, sans se laisser intégrer pour autant à une superpuissance.
Tout cela nous rappelle les évènements de l’année passée et nous serions bien inspirés de défendre avec détermination nos valeurs.
L’année 2002 nous réserve elle aussi des difficultés. La conjoncture économique est appelée à se détériorer encore par rapport à 2001, car l’Amérique et le Japon sont en proie à une récession. L’Europe en subira également les contrecoups. Jusqu’à présent, nous avons toujours bien su traverser ce genre de situations parce que nous pouvions nous fier à nos atouts spécifiques.
Nous avons quelque chose de particulier, de différent et de mieux à proposer. Nous proposons de meilleures services. Ceux qui le font de manière sérieuse et crédible ne se contentent pas de proposer une idée, mais ils fournissent aussi des produits ! Ceux qui agissent de la sorte sont assurés de pouvoir survivre. L’année prochaine aussi, la situation de l’emploi dans notre pays va être bonne, en dépit de la débâcle d’entreprises de prestige que nous venons de vivre.
Sur la plan politique, nous allons également aborder une année qui va montrer si nous sommes encore capables de mettre l’accent sur nos atouts. En début d’année, nous sommes justement appelés à voter sur une adhésion à l’ONU. Nos autorités souhaitent maintenant aussi adhérer à l’ONU politique, alors que nous faisons depuis longtemps déjà partie de l’autre ONU. Nous sommes déjà membres de toutes les organisations de l’ONU qui ont trait à de causes importantes, telles que l’humanisme, la formation, la protection de l’environnement, etc. Nous déboursons en effet aujourd’hui déjà 470 millions de francs pour défendre ces causes!
Mais maintenant, nos autorités veulent également nous pousser dans l’ONU politique, à savoir dans le secteur où le Conseil de sécurité dicte sa loi. On souhaite adhérer ainsi à une organisation où cinq superpuissances, à savoir les USA, la Russie, la Chine, la Grande-Bretagne et la France, imposent leur volonté parce qu’elles sont dotées du droit de veto. C’est là que le Conseil fédéral veut maintenant aussi être membre, bien que nous ayons toujours répété depuis la guerre que cela serait incompatible avec notre neutralité et que nous serions ainsi entraînés également dans les conflits internationaux.
J’espère vivement qu’en 2002, la Suisse aura la force de dire non à l’adhésion à l’ONU politique, ou oui à l’indépendance, oui à la neutralité, oui à nos atouts et oui au petit Etat qu’est notre pays.
Sur le plan politique, nous devrons dans la nouvelle année veiller tout particulièrement que les politiciens cessent de dilapider l’argent des contribuables. Nous devrions d’urgence faire le nécessaire pour que l’Etat ne frappe pas les citoyennes et citoyens d’un nombre toujours plus grand de taxes, de redevances et d’impôts.
Si nous parvenons à baisser les charges, nous pourrons créer une bonne base pour l’emploi et faire le nécessaire pour que la prospérité générale augmente. Il nous reste de nos jours de plus en plus d’argent pour vivre. Nous devons faire le nécessaire pour que les milieux politiques veillent à ce que nous restions nous-mêmes et que nous conservions les valeurs qui ont fait leurs preuves. Ce sont là ces enseignements-là que nous devons tirer des évènements de l’année passée: conserver ce qui a fait ses preuves sur le plan économique et conserver aussi ce qui a fait ses preuves sur le plan politique.
Comme vous pouvez vous aussi le constater autour de vous, bien des gens ne savent plus que faire de termes, tels que la “globalisation”. Ils sont désécurisés lorsqu’on évoque les changements et ne savent même pas vraiment de quoi il retourne. Là aussi, il s’agit de préserver ce qui a fait ses preuves.
Nous avons pu lire et entendre récemment que les élèves de l’école primaire ne savent même plus lire ni écrire. La recette pour combattre ce mal est pourtant simple: réapprenons à lire et à écrire, car ce sont des disciplines nécessaires et utiles ! C’est de cela que nous avons besoin et non pas de projets grandioses!
En matière d’économie, nous avons appris ceci : la plupart des entreprises qui ont sombré n’ont pas été dirigées de manière sérieuse. On a ignoré le principe selon lequel les dépenses ne doivent pas excéder les recettes. Il s’agit en réalité des mêmes règles que celles que doit respecter toute ménagère. Alors il n’y a qu’à revenir à cette pratique simple et efficace!
En matière de politique, nous avons appris ceci : être nous-mêmes, être ouverts au monde, mais ne pas nous laisser intégrer, rester indépendants et capables de décider de notre propre sort sont nos valeurs qui ont fait leur preuves. Restons neutres ! Au cours des dernières centaines d’années, nous avons en effet fait de bonnes expériences avec ce choix.
Dans cet esprit, je vous souhaite, chers citoyennes et citoyens, une bonne année 2002. Si nous réussissons à défendre ces valeurs, cela sera pour nous une bonne année et nous pourrons à la fin de l’année constater avec satisfaction que nous nous sommes bien tirés d’affaire.
Je vous remercie de votre attention.
Christoph Blocher, conseiller national UDC
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