Nous sommes les seuls à aborder les vrais problèmes
Interview, Le Temps, 3 octobre 2011, Pierre-Emmanuel Buss
En campagne électorale, rien de tel que de répéter les fondamentaux. Lors de son assemblée des délégués, samedi à Gossau, l’UDC a joué la carte du «seul contre tous» avec vigueur et détermination. Comme prévu, le parti a lancé une nouvelle initiative populaire sur le renvoi des étrangers criminels. Objectif: faire appliquer la modification constitutionnelle acceptée par le peuple et les cantons le 28 novembre dernier, ce que la Conseil fédéral et les autres partis «refusent de faire».
L’initiative veut fixer directement dans la Constitution les modalités de renvois des criminels étrangers. La volonté de l’UDC est de rendre l’expulsion automatique quelque soit la peine prononcée. Une option rejetée par le groupe de travail nommé par la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga pour traduire le contenu de la première initiative dans une loi (LT du 29.06.2011). Pour l’éminence grise de l’UDC Christoph Blocher, «seule compte la volonté du peuple». Entretien.
Vous décidez de lancer votre nouvelle initiative à trois semaines des élections fédérales. Une façon de durcir le ton de la campagne?
Nous voulons simplement mettre sur la table les sujets qui intéressent les Suisses. Cette année, il n’y a pas de campagne. A part nous, personne n’aborde les vrais problèmes du pays que sont l’immigration et la libre circulation des personnes. Nos adversaires politiques préfèrent se taire sur le mode du «circulez, il n’y a rien à voir». Cela ne peut pas continuer ainsi.
Il y a quatre ans, l’UDC était parvenue à imposer très tôt la problématique des étrangers criminels avec l’affiche des moutons noirs. Pourquoi ce thème a-t-il été moins utilisés cette année?
C’est en grande partie la responsabilité des médias. Depuis 2007, il y a eu une très forte concentration dans la presse écrite. Les groupes Tamedia et NZZ ont mis la main sur plusieurs titres régionaux. Avec en plus le monopole de la Radio Télévision Suisse (RTS), la liberté des journalistes a été réduite. Certains sujets ne sont plus thématisés. Notre initiative constitue un moyen de corriger cela. Aujourd’hui, une majorité de Suisses n’a plus confiance dans le travail des autorités politiques. On le constate en faisant signer notre initiative «contre l’immigration de masse». Les gens sont désabusés. Ils se demandent à quoi bon signer l’initiative puisque les autorités fédérales ne font pas leur travail. C’est pour ça que nous voulons écrire les modalités de renvoi des étrangers criminels directement dans la Constitution. Je le regrette, mais nous sommes contraints d’aller jusque là.
Pouquoi lancer une nouvelle initiative populaire et pas un référendum contre la loi d’application à venir?
Dans l’hypothèse où nous lancerions un référendum et que nous gagnions devant le peuple, c’est la loi actuelle qui s’appliquerait. C’est justement ce que souhaiteraient nos adversaires et le groupe de travail mis en place par Madame Sommaruga. Nous ne sommes pas tombés dans ce piège. Nous ne sommes pas naïfs.
Si votre deuxième initiative aboutit, la question de la compatibilité avec la libre circulation des personnes et la Convention européenne des droits de l’homme se posera avec d’autant plus d’acuité….
Mais c’est le peuple qui décide, pas le droit international! Pour un pays souverain comme la Suisse, le seul impératif est de respecter le droit international contraignant. Cela comprend par exemple l’interdiction de la torture, pas l’expulsion des criminels. La preuve: le Danemark est membre de l’Union européenne, pourtant il a adopté une règlementation plus stricte pour les criminels étrangers que ce qui est prévu dans notre initiative. Le droit international est un prétexte pour ne pas appliquer la volonté populaire. Si on nous y contraint, on peut imaginer de renégocier la Convention européenne. La Suisse l’a ratifiée car elle est censée protéger les droits de l’homme. C’est le cas de la sécurité et de la souveraineté nationale: ce sont des droits qui doivent être garantis pour chacun.
L’UDC a pour objectif de dépasser le cap des 30% lors de l’élection au conseil national le 23 octobre prochain. Selon le dernier sondage gfs.bern, vous atteignez 28%. Est-ce un constat d’échec pour le parti?
Notre objectif est de faire au moins assui bien qu’il y a quatre ans (28,9%), malgré un contexte difficile avec la sission du PBD. Qu’on atteigne 28% ou 30% n’est pas si important. Nous sommes le plus grand parti du pays et, quoi qu’il arrive, on n’aura pas droit à plus de deux sièges au Conseil fédéral. Nous ne sommes même pas certains de récupérer le deuxième siège. Les autres partis disent qu’ils veulent la concordance. Mais à condition que notre candidat répondent à les critères qu’ils ont eux-mêmes fixé. Ce n’est pas notre vision de la concordance.
Vous avez laissé entendre récemment que l’UDC romande pourrait avoir un candidat au Conseil fédéral le 14 décembre. Jean-François Rime tient-il la corde?
Il y a Monsieur Rime, mais il n’est pas seul. Monsieur Parmelin est aussi un bon candidat. Si nous devons remplacer un candidat issu de la Suisse alémanique, nous aurons aussi plusieurs possibilités.
Caspar Baader est-il votre premier choix?
C’est un très bon candidat. Mais il est prématuré d’évoquer le Conseil fédéral. On en parlera après le 23 octobre.
La course à la succession d’Yvan Perrin comme vice-président romand de l’UDC s’est ouverte la semaine dernière avec la candidature spontanée d’Oskar Freysinger. Est-ce un candidat crédible?
Freysinger? C’est possible. Mais il y a aussi Monsieur Rime et Monsieur Parmelin. On décidera tout cela en février 2012.