Testi

Personale

29.04.2012

Warum das Vorgehen von NR Blocher in Sachen Hildebrand durch die parlamentarische Immunität gedeckt sein sollte

Stellungnahme zur Immunität, 29. April 2012, Christoph Blocher

29.04.2012

On est conseiller national depuis le jour où on est élu, et c’est tout

Interview, Le Matin Dimanche, 29 avril 2012, Sonia Arnal Auditionné par la Commission de l’immunité du Conseil national, Christoph Blocher n’est protégé par son statut que pour les faits survenus après sa prestation de serment du 5 décembre. Or c’est le 3 décembre qu’il a reçu chez lui l’employé de la banque Sarasin, qui a servi d’informateur dans l’affaire Hildebrand. Vous avez l’habitude d’être dans l’adversité, mais on vous sent touché par cette décision… Je ne suis pas blessé. Cela me donnera beaucoup de travail. Mais un procès pourrait être l’occasion d’établir publiquement que je n’ai rien fait de condamnable et se révéler un atout. Au-delà de ça, il est plus important que nous n’ayons plus à la présidence de la BNS une personne qui faisait des transactions financières privées, contre les intérêts de notre pays. Si ça n’est pas important, pourquoi vous êtes-vous battu mercredi pour que votre immunité soit applicable dès votre élection, et couvre donc les événements survenus chez vous le 3 décembre, avant que vous ayez prêté serment? Un parlementaire ne peut pas renoncer à son immunité, même à sa demande. Le 3 décembre, j’étais un conseiller national, élu comme les autres le 23 octobre. J’étais donc un membre du Parlement et c’est pour cette raison que les deux informateurs m’ont choisi. Ils m’ont informé que le président de la Banque nationale spéculait! Pour moi, c’était incroyable. En tant que parlementaire, j’ai deux devoirs. Légiférer – ça, franchement, ça n’est pas la partie que je préfère, parce que je n’aime pas beaucoup faire des nouvelles lois, je préférerais moins de réglementations. Et deuxièmement, être le garant du bon fonctionnement des institutions et de la qualité du travail de ceux qui les dirigent, y compris ceux à la tête de la BNS. Je ne me bats pas pour avoir des privilèges que les autres citoyens n’ont pas, mais pour défendre le principe de l’immunité comme outil indispensable à l’accomplissement de notre tâche à tous. Si vous n’êtes pas protégé en tant que parlementaire, que vous risquez une condamnation pénale chaque fois que vous dénoncez un dysfonctionnement, le danger est grand que vous ayez peur et ne fassiez plus votre travail. Jean Ziegler a pris votre défense. Ça ne vous fait pas bizarre de vous retrouver dans le camp d’un politicien très marqué à gauche? Politiquement, nous n’avons pas du tout les mêmes idées, c’est certain! Mais en ce qui concerne le travail d’un membre du Parlement nous n’avons pas de différences. Moi, je peux affronter un procès pénal long et coûteux, mais pour un conseiller national qui n’a pas les moyens, il y a de grandes conséquences. Ce qui nous réunit, M. Ziegler et moi, c’est la défense de cette institution afin que chaque parlementaire puisse dénoncer les problèmes sans crainte. Ce n’est pas une question d’opinion politique, c’est vraiment une question de principe. Vous qui détestez les institutions et passez votre temps à les attaquer, vous vous en faites soudain le champion? Alors, attention, là! Je n’attaque pas les institutions, je les défends et je m’en prends à ceux qui les dirigent quand ils font mal leur travail. J’ai beaucoup de respect pour nos institutions et c’est justement pour cela que je veux qu’elles fonctionnent bien. Ce n’était pas le cas, par exemple, avec l’ex-procureur de la Confédération M. Roschacher, et je l’ai dit. Il y avait un soupçon d’un conflit d’intérêts entre les transactions financières effectuées par M. Hildebrand à titre privé et ses responsabilités à la BNS, et je l’ai dit aussi. Concrètement vous n’avez jamais aimé M. Hildebrand. Vous l’avez beaucoup critiqué et avant cette affaire, cela faisait déjà des mois que la «Weltwoche» lançait des campagnes de dénigrement… Mais la Weltwoche, ce n’est pas moi! Ah non? C’est évident. La Weltwoche est un bon hebdomadaire, dirigé par des gens indépendants d’esprit, pas comme la plupart des autres médias. Parfois, ils n’ont pas peur de quelques idées de l’UDC… A titre personnel, vous n’avez jamais beaucoup aimé M. Hildebrand? Il venait de la gestion des hedge funds, ce qui ne répond pas aux exigences de la BNS. C’est vrai aussi que j’ai critiqué certaines de ses décisions, par exemple l’achat d’euros pour 100 milliards quand le cours du franc face à l’euro était d’environ 1 fr. 45. Le peuple suisse a perdu beaucoup de milliards sur cette action. Mais j’ai soutenu sa décision de fixer un cours plancher de 1 fr. 20 pour un euro. C’était un choix risqué. La Suisse l’a fait seulement deux fois, en 1936 et 1978. Dans des moments de crise, il faut parfois prendre ce risque, pour autant qu’il soit limité dans le temps. Donc ça n’est pas un hasard si c’est vous qui avez obtenu et diffusé des informations sur ses transactions… J’ai été informé parce que j’étais conseiller national, mais je n’ai rien diffusé. Si vous parlez des documents publiés par la Weltwoche, ce n’est pas moi qui les leur ai donnés. Non? Non, un de mes informateurs, Hermann Lei, a déclaré publiquement que lui avait informé la Weltwoche. Il est honnête et courageux! Mais c’est vous qui avez organisé cette fuite et qui lui avez soufflé l’idée de faire publier ces documents, en voyant que Micheline Calmy-Rey et les autres membres du Conseil fédéral ne réagissaient pas comme vous l’espériez. Je n’ai rien organisé, ni fait publier. Mme Calmy-Rey a bien réagi. Mais malheureusement le conseil de banque de la BNS et le Conseil fédéral ont d’abord protégé les spéculations de M. Hildebrand. C’est pour cette raison que les informateurs ont informé la Weltwoche. Et quatre jours plus tard Hildebrand était forcé de démissionner. La commission ne lève pas mon immunité pour cet épisode lié à la Weltwoche: c’est bien qu’il n’y a rien à en tirer… Vous insinuez que la commission ne fait pas preuve d’objectivitéet maintient ou lève votre immunité quand ça l’arrange? Tout est politique, ne soyons pas naïfs! Cette histoire d’être en fonction seulement après avoir prêté serment ne correspond pas à la réalité et aux faits. C’est vraiment absurde, puisque nous avons, par exemple, reçu un salaire pour deux jours de travail avant la prestation de serment, émoluments versés pour la préparation de la session. Expliquez-moi comment vous pouvez recevoir un salaire pour une charge que vous n’êtes pas encore en train d’exercer! C’est parce que vous êtes déjà conseiller national depuis le jour où vous êtes élu, et c’est tout. Il est évident que c’est politique quand on regarde comment ont voté les membres de la commission. On vous présente comme un grand stratège, mais recevoir deux jours trop tôt Hermann Lei et l’informaticien de la banque Sarrasin qui disposait des informations, ça n’était pas très finement joué, non? Hermann Lei m’a appelé et dit qu’il avait une information importante, en rapport avec mon mandat de conseiller national. Il croyait que le président de la BNS était un spéculateur. Vu que la session était imminente et que je n’aurais pas eu de temps pendant la session, je l’ai reçu le 3 décembre déjà. A ma grande surprise, il était accompagné d’un autre homme qu’il m’a présenté comme un ami et employé de banque. Herrmann Lei m’a expliqué qu’il avait confiance en moi et qu’il était convaincu que j’étais un parlementaire qui pouvait agir. Vous voulez dire que vos collègues, les autres conseillers nationaux, ne font pas leur travail? Dans les affaires délicates comme celle-ci, on préfère s’adresser à des gens qu’on connaît. Je connais Hermann Lei comme membre de l’UDC et je connais aussi son père qui était conseiller d’Etat (un radical). Et je suis connu pour mon indépendance, pour ne pas craindre l’opinion des autres ou les pressions. Donc vous êtes un héros de la Nation injustement poursuivi par un procureur et une commission parlementaire – le martyr qui se sacrifie, c’est un rôle qui vous plaît bien, non? Pour être héros, il faudrait que je sois de gauche. Si j’étais socialiste, j’aurais sûrement déjà eu droit à ma statue… Et je ne suis pas un martyr, je savais très bien ce que je faisais. Mais c’est vrai: je n’avais pas imaginé la réaction de l’establishment. Par exemple, quelques banquiers, notamment genevois, qui étaient amis de M. Hildebrand m’ont attaqué et voulaient qu’on le «laisse en paix». Ça a pris du temps, mais maintenant la plupart des gens responsables pensent qu’il était nécessaire d’agir, pour le bien de la BNS et de la Suisse.

28.04.2012

Ein Freispruch ist mir lieber als die Immunität

Interview mit der «Berner Zeitung» vom 28. April 2012 mit Bernhard Kislig

15.04.2012

«Soll ich denn Selbstmord machen?»

Interview mit «Der Sonntag» vom 15. April 2012 mit Chefredaktor Patrick Müller

14.04.2012

Christoph Blocher, collectionneur de toiles helvétiques

Article, Le Monde, 14 avril 2012, Aranud Robert «Ça, c’est moi!» Il pointe du doigt un petit David athlétique, de bronze brillant, qui tient dans sa main gauche la tête hirsute de Goliath. Christoph Blocher reçoit devant sa maison de Herrliberg, sur le lac de Zurich; de l’autre côté du parking, une autre sculpture: un taureau grandeur nature de métal gris, prêt à charger. Ces deux oeuvres d’un réalisme pompier constituent, en creux, une sorte de portrait de ce collectionneur. Industriel rangé des affaires, ex-conseiller fédéral, maître à penser du plus grand parti de Suisse, Christoph Blocher, 71 ans, parle de lui quand il parle d’art. Et sa collection, souvent commentée, rarement dévoilée, reste le testament le plus complet après une vie de combat. Il avance vite dans l’immense demeure. Une maison-terrasse offerte à l’une des plus belles vuesdu pays, dont il exige pourtant qu’on ferme les stores électriques. Le personnel s’agite. «Pour que vous voyiez mieux les tableaux, je préfère la lumière artificielle.» Pas un mur sur les trois ou quatre étages qu’il ait laissé vide. Dès l’entrée, plusieurs pièces triomphales du Bernois Ferdinand Hodler. Une miniature du fameux bûcheron dont la hache va s’abattre, une étude pour l’Einmütigkeit, la concorde des protestants à Hanovre. Ce sont des toiles héroïques relues à l’aune du patriotisme et des actes fondateurs. C’est cela qu’on est venu chercher. L’annexion par un populiste richissime d’un pan entier de l’histoire picturale helvétique. Le trésor personnel d’un esthète capable de rassembler plusieurs centaines d’oeuvres, dont une majorité signée d’un autre peintre du XIXe siècle, Albert Anker. «Je possède aussi quelques Giovanni Giacometti, des Cuno Amiet, des Giovanni Segantini ou des Adolf Dietrich, mais ils sont dans notre château des Grisons. Ici, je garde ce que je préfère. Surtout Anker.» Car rien, au goût de Blocher, ne dépasse Albert Anker. Un artiste bernois né en 1831, médaille d’or du Salon de Paris en 1866, réaliste minutieux au moment où les impressionnistes renversent les canons. Anker retourne ensuite en Suisse où il siège au Grand Conseil bernois: une vie d’engagement. Selon l’historienne de l’art Isabelle Messerli, spécialiste d’Anker, cette oeuvre est à saisir dans le contexte de la fondation de l’Etat fédéral, en 1848: «La Suisse devait ancrer ses valeurs démocratiques. L’iconographie s’appuyait sur l’histoire suisse, la famille, les enfants, l’école. Anker puise l’essentiel de son humanisme dans sa formation de théologien.» Christoph Blocher a 27 ans en 1968 quand il décide d’acquérir un premier dessin d’Anker. Septième enfant d’une famille qui en compte onze, fils de pasteur, il étudie le droit. «Je n’avais pas d’argent. Onm’ademandé1500francs, une somme pour moi. J’ignorais que j’allaiscommencerunecollection. » L’oeuvre, un portrait au fusain, paraît minuscule dans ce séjour où trône un piano à queue blanc. Elle a ouvert une vocation. Au fil des ans et de ses promotions dans l’entreprise EMS-Chemie dont il est employé, Blocher étoffe sa collection. En 1983, son patron meurt. La société américaine General Electric se porte acquéreur maismenacede couper la moitié des postes. «Je me suis dit que je pouvais racheter l’entreprise, se souvient-il. Mais la banque a exigé de moi que je vende tous mes biens: ma maison et ma collection.» La collection seule rapporte près de 1 million de francs. En peu de temps, Christoph Blocher transforme l’entreprise en une multinationale de la chimie avec 3000 salariés et un chiffre d’affaires annuel qui culmine aujourd’hui à plus de 1,6 milliard de francs. Parallèlement, il consacre une partie de sa fortune à l’acquisition des chefs-d’oeuvre de la peinture suisse du XIXe siècle, dont la cote ne cesse de grimper – des Anker et des Hodler atteignent aujourd’hui plusieurs millions de francs. «Ce qui comptait, pour moi, c’était d’abord de récupérer les oeuvres que j’avais dû vendre pour acheter EMS-Chemie. Il y en avait trente-cinq, surtout des dessins. Il m’en manque encore cinq. Je n’abandonne pas.» La passion tourne à l’obsession quand il se retrouve un jour avec sa femme aux Etats-Unis, sur la côte Ouest. Il apprend qu’une oeuvre d’Anker est mise en vente à Zurich. «Il fallait que j’appelle au plus vite. On s’est arrêtés dans un restaurant au bord de la route. Il y avait une cabine téléphonique. J’ai hurlé à ma femme qu’elle aille chercher des pièces parce que je n’avais pas assez de monnaie. J’ai demandé à mon intermédiaire d’acheter, alors que j’ignorais le prix et même l’allure du tableau. Mais cela a été un très bon achat.» Ce tableau est suspendu dans la salle à manger, en face, précisément, de la chaise de Christoph Blocher. Un défilé de petits corps joyeux, certains pieds nus, d’autres chaussés, sur le chemin de l’école. «Vous voyez, décrit-il, les enfants ne touchent pas l’horizon. Ils sont protégés par la terre. Seule l’enseignante a la tête dans le ciel. Elle est pour euxcommeun toit. Elle aussi les protège. C’était une époque où les campagnes suisses étaient pauvres. Mais Anker nous rassure. Il nous dit qu’il ne faut pas avoir peur, que le monde n’est pas perdu.» Dix fois pendant la visite, Blocher répète cette phrase, probablement tirée de saint Augustin, dont Anker avait fait une devise: «Regardez, le monde n’est pas damné.» Dans le sous-sol de sa maison, protégé par des portes blindées et des codes secrets, des dizaines d’aquarelles d’Anker reposent dans un air à l’hygrométrie mesurée. Le collectionneur aime plus que tous ces menus portraits d’anonymes, de vieillards, d’enfants, posés souvent de profil dans un décor sombre. «Anker peint des personnages à l’extrémité de leur vie. Ils n’ont rien à prouver. Regardez cette enfant qui court dans la neige, avec un pain trop lourd pour elle dans les bras, elle vacille, elle a froid. Et pourtant, elle continue. Quelque chose me touche infiniment dans la vision d’Anker. On dit souvent que je calcule tout, que je suis un conquérant. Je crois au contraire que nous sommes tous portés.» Il y a, entre ces murs, plus de 180 oeuvres d’Anker, des dizaines de Hodler, dont lui seul profite. Il évoque, las, la perspective de créer un musée. «Je n’ai pas encore eu le temps d’y penser.» Pour l’heure, elles sont à lui. Il a abandonné, pour devenir conseiller fédéral, en 2004, sa participation au groupe EMS dont le siège est encore logé dans les sous-sols de sa maison; les employés y accèdent par le bas, grâce à un funiculaire privatif. Christoph Blocher est aujourd’hui contesté par son propre parti pour ses stratégies qui paient moins sur le plan électoral. Quelques jours avant cette rencontre, la police perquisitionnait chez lui pour trouver les preuves de son implication dans la dénonciation frauduleuse du patron de la Banque nationale suisse – Blocher risque de perdre son immunité parlementaire. Il refuse d’en parler. Il préfère ouvrir la porte d’une salle souterraine, un gardemanger pictural: sa galerie personnelle. Plusieurs études et huiles de vieillards au bonnet, secrétaire communal recroquevillé sur son pupitre. «Je connais des collectionneurs qui gardent leurs oeuvres dans un coffre à la banque. Moi, j’ai besoin de les voir. Quand j’ai des soucis, je viens là. Je me retire pour dix ou vingt minutes. Le silence est absolu. Vous entendez? » Oui. Christoph Blocher préférait un temps où l’art était financé par des mécènes. «Je suis un extrémiste. Je crois qu’il vaudrait mieux ne plus rien subventionner. J’ai entendu l’autre jour à la radio que, si l’art n’était plus aidé par l’Etat, il n’y aurait plus d’art. Mais comment ont fait les artistes depuis des millénaires? Le marché et la concurrence sont plus efficaces pour l’art. Anker, quand il était à Paris, travaillait pour une manufacture de porcelaine. Cela lui a assuré sa liberté. Il n’avait de comptes à rendre à personne.» Si l’on comptait sur Blocher pour financer l’art contemporain, il n’en resterait plus beaucoup; l’UDC a pris parti contre des artistes suisses majeurs, Thomas Hirschhorn ou Pipilotti Rist. Ecrivain et enseignant à l’Université de Lausanne, Jérôme Meizoz a publié en janvier dans la revue Critique un article intitulé «Kitsch nationaliste et loi du marché. Les deux mamelles du populisme suisse». Selon lui, il est difficile de départager ce qui, chez Blocher, est de l’ordre de la construction ou de la réelle adhésion esthétique. «A travers ses choix de tableaux, on peut retrouver des éléments typiques du populisme européen. Une vision paternaliste, une quête du bonheur paysan, un rapport fantasmatique à la terre. Anker peignait une Suisse idéale, épargnée par la modernité, à un moment où l’industrialisation était largement entamée sur le territoire national. Onretrouve dans plusieurs mouvements populistes ce paradoxe qu’une élite urbaine, ultralibérale, célèbre une ruralité rassurante et un conservatisme moral.» Christoph Blocher, fils de pasteur qui se destinait à une carrière d’agriculteur, a conquis la bourgeoisie zurichoise pour devenir l’un des politiciens les plus importants de l’histoire suisse et un acteur incontournable de l’économie nationale. Lui ne voit pas de paradoxe à ce qu’un milliardaire, docteur en droit, défende une paysannerie en déliquescence. «Ce ne sont pas les gens mais les élites qui me reprochent d’être riche, dit-il. Je n’ai pas volé mon argent. Je crois que les élites sont jalouses. Elles aimeraient elles aussi s’acheter des tableaux aussi jolis que ceux d’Anker.» Quand il était jeune, Blocher vivait dans une petite maison remplie de copies de tableaux. Des monuments de l’art suisse, repris par des tâcherons. Son père lui expliquait les mérites de l’un et les déficiences de l’autre. «Il m’a appris ce qu’était l’art, raconte-t-il. Mais déjà, enfant, je pensais en secret que l’original devait être plus beau que la copie.» Il est tard au sommet de Herrliberg. Christoph Blocher joue avec le variateur d’intensité de ses luminaires pour montrer que le Léman de Hodler n’a pas la même couleur selon que l’aube pointe ou que le crépuscule s’annonce. Il propose un läckerli, ce petit gâteau au miel inscrit au patrimoine culinaire national – sa fille a racheté la manufacture bâloise qui fabrique cette gourmandise. Et puis, il n’a plus le temps. Le visiteur suivant patiente dans le salon. On le laisse à son diorama des identités suisses, à ces mythes brandis et à ces enfants endormis. «Rappelez-vous, le monde n’est pas damné», dit-il encore, l’air d’être déjà passé à autre chose.